Le 4 Mars a eu lieu à Madrid le sommet franco-ibérique sur les interconnexions énergétiques avec la présence des Présidents Hollande et Rajoy, du Premier Ministre portugais Passos Coelho, et coté européen, des Présidents de la Commission et du BEI, plus le commissaire à l’énergie et au climat. Cette réunion précède le Sommet du Conseil Européen du 19-20 Mars qui doit donner des orientations précises sur les éléments fondateurs de l’Union de l’Énergie, notamment celle d’avancer dans l’intégration des marchés énergétiques européens. Seul Etat Membre avec Chypre qui n’atteindra pas l’objectif de 10% de taux d’interconnexions électriques pour 2020 avec les projets européens en cours, l’Espagne voulait aboutir à un compromis ferme du côté français, mais surtout de la part de la Commission Juncker, pour résoudre l’isolement énergétique de la Péninsule Ibérique.
Profitant de l’opportunité offerte par la crise de l’Ukraine et avec l’appui du Portugal, le gouvernement espagnol a changé son approche défensive pour une attitude plus proactive; ses arguments en clé nationale, pour une vocation européenne; et la confrontation avec la France pour l’interpellation auprès des institutions communautaires. La France avait déjà adopté une attitude plus conciliatrice avec les préférences ibériques et les réalités géopolitiques européennes, mais également plus consistante avec ses propres stratégies énergétiques dans les cadres 2030 et 2050 de l’UE. Le rapport Derdevet, symptomatiquement titré Énergie, l’Europe en Réseau, ayant été rédigé pour le Président Hollande montre bien cette évolution. Ça ne pouvait pas en être autrement, et le 20 février dernier, le Président Mariano Rajoy et le Premier Ministre Manuel Valls inauguraient la traversée électrique en très haute tension des Pyrénées entre Santa Llogaia et Baixás, doublant les capacités de transit entre la France et l’Espagne, un projet qui a pris plus de vingt ans et a entraîné de grands surcoûts.
La culmination de cette lune de miel franco-espagnole a été la Déclaration de Madrid, qui d’après les dires du Président Hollande, inaugure l’Union de l’Énergie. Assez électrifiante pour le moment, il reste encore à l’étendre au connexions gazières avec la finalisation du gazoduc Midcat entre la Catalogne et le Sud de la France. En effet, il aurait été inconcevable d’arriver au Conseil Européen sans avoir réglé les différends franco-espagnols au sujet des interconnexions, devenues paradigme de l’absence d’intégration réelle des marchés énergétiques de l’UE. Controverse entre des partenaires, par ailleurs clés dans les domaines économique et politique. La Déclaration reconnaît la nécessité d’avancer immédiatement dans la construction d’infrastructures additionnelles à celles déjà prévues par la Commission pour assurer un taux d’interconnexion de 10% pour 2020 et de 15% pour 2030.
Les opérateurs du réseau électrique avaient déjà avancé le travail avec l’élaboration d’un document commun qui a eu le soutien de la Commission Européenne. La Déclaration de Madrid établit un Groupe de Haut Niveau sur les interconnexions pour le Sud-ouest de l’Europe qui sera chargé, par la Commission, de proposer des routes détaillées avant la fin 2015, surveiller les progrès et offrir une assistance technique aux États membres. Il s’agit sans doute d’un pas de plus dans la bonne direction, mais qui doit être renforcé aussi dans le champ de la régulation. Jusqu’à présent, c’était le manque d’infrastructures qui empêchait une véritable intégration énergétique. Une fois les interconnexions mises en place, il faudra avancer dans la convergence des modèles régulateurs et empêcher que les obstacles physiques puissent se perpétuer dans la fragmentation et la divergence des marchés dû à des retards de l’intégration normative.
Le Président Hollande a raison de dater la naissance de l’Union de l’Énergie au sommet franco-ibérique du 4 Mars, même si le test de paternité n’arrivera qu’une fois les Pyrénées traversées. Si rien n’est plus puissant qu’une idée dont le temps est venu, l’intégration européenne semble s’être imposée comme une nécessité face aux défis énergétiques affrontés par l’Europe. Seule actualisation pour un Victor Hugo qui ne pouvait pas anticiper l’Europe de nos jours, il faut que l’Allemagne considère également que ce temps est venu lors du Conseil Européen du 19-20 mars. La volonté politique exprimée au sommet franco-ibérique devrait aider à mettre l’horloge européenne à l’heure de l’intégration énergétique, autant physique que normative.