(*) Publicado el 25/10/2014 en Le Monde (en francés).
Le Conseil européen des 23 et 24 octobre réuni à Bruxelles qui a approuvé le paquet «Energie-Climat 2030» a aussi ouvert la porte à une Union de l’énergie qui lui permettra un suivi régulier des questions énergétiques.
L’idée d’une Communauté européenne de l’énergie fut d’abord proposée par Jacques Delors et a été par la suite développée par l’Institut du même nom, relayée récemment par le premier ministre polonais Donald Tusk qui, dans le cadre de la crise ukrainienne, s’est fait le promoteur de la proposition franco-polonaise d’union énergétique.
Les principales nouveautés introduites par la Pologne étaient la négociation collective des contrats de gaz avec la Russie, l’élimination de ses clauses de confidentialité, et la participation de la Commission européenne dans les négociations gazières avec Moscou.
Beaucoup d’États membres, y compris l’Espagne, ont été réceptifs à l’initiative, mais ils ont néanmoins insisté sur le fait qu’une Union énergétique, comme son nom l’indique, doit se baser d’abord sur un marché interne unique, de plus bien interconnecté. Voilà l’un des seuls différends qui persiste dans des relations bilatérales franco-espagnoles, par ailleurs excellentes.
Tandis que l’Espagne dénonce le protectionnisme nucléaire français, la France met en avant les difficultés techniques, environnementales et de financement. En absence d’autres problèmes bilatéraux, la question des interconnexions absorbe pas mal de temps (et de reproches) des ambassadeurs français et espagnol dans les respectives capitales.
Divergences explicites
Malgré leurs efforts louables, les divergences se sont faites plus explicites dernièrement, d’abord avec le blocage espagnol du Plan solaire méditerranéen qui constitue la partie centrale de l’Union pour la Méditerranée impulsée par la France ; ensuite, dans les négociations tendues du «Paquet 2030» qui viennent d’être résolues, sans avoir pleinement satisfait les deux voisins ; et peut-être (hélas) en ce qui concerne le chemin qui mène au sommet de Paris 2015, via Lima 2014, où les négociations climatiques devraient aboutir à un nouvel accord post-Kyoto aussi global que possible.
C’est, en effet, une dispute de longue date, à tel point que pour les acteurs les plus expérimentés du secteur énergétique espagnol, elle s’était presque convertie en fatalité. Or, la crise ukrainienne – ayant entraîné l’annexion de Crimée et l’invasion du Sud-est de l’Ukraine – et ses conséquences sur la sécurité énergétique européenne, avec pour corollaire le risque d’interruption des flux gaziers, paraît avoir agi comme révulsif.
La fragmentation énergétique européenne, comme celle des marchés financiers avec la crise de l’euro, s’est révélée insoutenable face à l’abus de position dominante de Gazprom sur certains marchés européens. Le moment est donc venu de se demander comment est-il possible que la Commission européenne trouve plus facile de promouvoir un gazoduc jusqu’au Turkménistan plutôt qu’une ligne à haute tension entre les Pyrénées.
En dépit des déclarations d’intentions favorables, ce dernier Conseil européen n’a pas apporté une réponse claire à cette question. Il n’y a pas eu un objectif contraignant de 15 % des capacités d’interconnexion sur la consommation pour 2030 et seulement une vague mention à une Union de l’énergie qui reste à être spécifiée.
Partenaires naturels
Sans des compromis crédibles, la frustration sur les interconnexions continuera à nuire les relations bilatérales et la réputation de la Commission. La France et l’Espagne sont des partenaires naturels dans plusieurs domaines, économique, politique et aussi énergétique. Ils ont coopéré dans la lutte contre le terrorisme, sur sol européen et ailleurs, ont eu des approches solidaires face à la crise économique et travaillent ensemble sur des scénarios très complexes, tel que le Sahel.
Il faut remédier à l’irrationalité qui bloque la coopération énergétique bilatérale en conciliant des positions qu’on ne peut pas admettre comme irréconciliables au sein de l’Union européenne (pour ne pas parler d’une Union de l’énergie). La Commission européenne doit, une fois pour toutes, faire preuve de capacité pour réaliser des compromis crédibles qui assurent le financement des interconnexions à travers les Pyrénées, en incluant le renforcement des réseaux électrique du sud de la France s’il le faut, ainsi que l’accélération de sa construction.
Le plan Juncker pour stimuler l’économie européenne en constitue une opportunité immédiate. Et les gouvernements espagnol et français doivent trouver la façon de travailler ensemble, parce que la construction d’une Europe de l’énergie est sans doute un grand défi partagé, d’abord, par des voisins qui ne peuvent pas être des partenaires stratégiques sur tout sauf sur l’énergie.
Comment sinon aurons-nous la crédibilité pour promouvoir des initiatives conjointes sur les plans régionaux, tel que la Méditerranée ou l’Afrique occidentale, ou sur un plan mondial, comme c’est le cas pressant de la lutte contre le changement climatique.
Gonzalo Escribano Francés, directeur du programme sur l’énergie, Real Instituto Elcano | @g_escribano